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REUNIONS DE L'APPD

B
orrélioses et maladie de Lyme du 08 02 2018
Professeur Christian Perronne


Avertissement : Les commentaires du Docteur Jean-Luc VARLET, auteur du présent compte-rendu n'engagent que sa responsabilité et en aucun cas celle de l'APPD ou celle du Professeur Christian PERRONNE

Plan

  1. Rappels sur la maladie de Lyme
  2. Co-infections transmises par les tiques
  3. Le diagnostic de laboratoire
  4. La maladie de Lyme chronique, une autre grande simulatrice
  5. Les traitements prolongés de la maladie de Lyme chronique
  6. Perspectives 
  7. Pour en savoir plus

Rappels sur la maladie de Lyme

  • L'agent et le vecteur
    • L'agent de la maladie de Lyme est Borrelia Burgdorferi, une bactérie spiralée qui possède également une forme de résistance enroulée ("kystique") en échappement thérapeutique quasi constant. La bactérie peut rester présente à vie dans l'organisme du fait de cette forme dormante. Bien que l'ensemble de sa symptomatologie ait été récemment décrite aux Etats-Unis, la maladie est ubiquitaire et une variante génétique a été diagnostiquée sur un humain du paléolithique (PCR). 
    • Le vecteur est une tique (Ixodes ricinus) dont la morsure semble en pleine recrudescence (forêt des Ardennes++)
  • Les signes cliniques
    • On distingue la phase 1 (limitée à l'érythème migrant), la phase 2 (quelques jours, semaines ou mois) et la phase 3 (chronique, quelques mois ou années)
    • Phase 1 :
      • Erythème migrant (erythema chronicum migrans de Lipschutz).
        • absent dans 50% des cas
        • non traité, il peut disparaître, rester latent et réapparaître à l'occasion d'une antibiothérapie fortuite
    • Phase 2 :
      • Erythèmes migrants secondaires (= phase secondaire, de dissémination) : les anneaux multiples signent une mise en recirculation du germe  
      • Arthralgies
      • Troubles du rythme divers, blocs (BAV) variables pouvant régresser spontanément, voire arythmies sérieuses
      • Lymphocytome borrélien : certaines localisations sont particulièrement évocatrices de lymphocytome borrélien (oreille, mamelon, scrotum)
      • Manifestations neuro-méningées
        • paralysie faciale a frigore : particulièrement trompeuse chez les enfants et traitée souvent à tort par la corticothérapie
        • atteinte d'autres paires crâniennes : plus rare
        • méningo-radiculite douloureuse, à recrudescence nocturne
    • Phase 3 : La maladie de Lyme chronique
      • Acrodermatite chronique atrophiante (de Pick-Herxheimer)
        • atrophie cutanée avec visualisation du réseau veineux secondaire
        • culture sur biopsie : recherche de Borrelia positive dans 80% des cas
      • La maladie de Lyme "immunologique"
        • fatigue invalidante
        • douleurs migratrices
        • tableau varié avec atteintes souvent objectives mais multiples : atteintes cutanées, neuropsychiatriques, ophtalmiques, psychiatriques, articulaires, musculaires, osseuses, cardiaques (ECG,Holter), voire Sd autoimmuns divers mimant Lupus, Hashimoto, SEP, SLA. Ces tableaux pourraient expliquer des rémissions de tableaux psychiatriques après traitement antibiotique mais il n'existe pas de critères bactériologiques solides.
  • Les difficultés du diagnostic
    • Ixodes ricinus peut également transmettre de nombreuses autres maladies dont la symptomatologie est souvent voisine de la maladie de Lyme.
    • l'érythème migrant est atypique dans 1 cas sur 2 : lésion très petite (de la taille d'un pièce de monnaie), violacée, vésiculeuse, prurigineuse, invisible sur peau noire.
    • sérologies et PCR : habituellement négatives au début de la maladie, faussement négatives surtout en France par manque de sensibilité du test de 1ère intention obligatoire (Elisa)
    • la biopsie de l'érythème migrant ou du lymphocytome peut être évocatrice de lymphome et a pu conduire dans certains cas à une chimiothérapie abusive.
  • Le traitement classique
    • Formes précoces (I aire) : Les difficultés Diagnostiques conduisent à effectuer un traitement systématique par antibiotiques de tout érythème migrant, officialisé en France depuis les recommandations officielles de 2006. (Tt de 3 semaines par DOXYCYCLINE 200mg/jour ou AMOXICILLINE 3 à 4g/jour ou encore AZITHROMYCINE utilisable chez la femme enceinte)
    • Formes tardives (IIaire et IIIaire) : AMOXICILLINE 6 g/jour de durée mal définie
    • La prévention fait appel aux répulsifs chimiques classiques (DEET). Certains répulsifs naturels semblent actifs : géranium, lavande, eucalyptus curcuma et particulièrement le citridiol (mélange eucalyptus + citron vert). L'inspection et le retrait rapide des tiques en dévissant le rostre dans le sens anti horaire est indispensable. Toutefois des contaminations se rencontrent après un portage de seulement quelques heures.

Co-infections transmises par les tiques

  • Les patients atteints de maladie de Lyme sont porteurs d'une co-infection bactérienne ou parasitaire dans 5 à 15% des cas. Il est nécessaire de dépister et traiter les co-infections notamment parasitaires (Babesia ++)
  • Co-infections bactériennes
    • Anaplasmose (Anaplasma phagocytophilum, syndrome grippal)
    • Bartonellose (Bartonella henselae (mal des griffes du chat), autres bartonelloses
    • Ehrlichioses (Ehrlichia canis)
    • Rickettsioses (Ricketsia helvetica, R. canadensis, R. felis)
    • Francisella tularensis (tularémie)
    • Coxiella brunetii (fièvre Q)
    • Neoehrlichia mikurensis
  • Co-infections parasitaires
    • Babésiose (piroplasmose des chats, chiens, vaches)

Le diagnostic de laboratoire

  • Tests sérologiques (Elisa et Western-Blot) : La situation officielle en France.
    • toujours en retard de 2 métros, la sécurité sociale française interdit sous peine de poursuites la pratique et le remboursement du Western-Blot en l'absence de test Elisa positif préalable. Le test Elisa ne détectant que la moitié des souches de Borrelia européennes, de nombreux porteurs de Borrelia français ne sont pas diagnostiqués car ils n'ont pas accès au Western-Blot.
    • cette situation perdure du fait que les "contrevenants" ont été punis avec des sanctions professionnelles graves et de lourdes condamnations financières (200 000 euros pour un laboratoire d'analyses médicales).
    • le résultat en est une sous-estimation massive des séroconversions et l'invalidation du contenu des bases de données françaises sur les borrélioses.
  • Tests de détection directe (PCR)
    • L'avenir paraît appartenir aux tests de détection directe, bien plus sensibles que les tests sérologiques :
      • tests PCR de nouvelle génération déjà disponibles dans certains laboratoires vétérinaires (un appareil est à la disposition des médecins à l'hôpital de Lannemezan)
      • séquençage à haut débit (pas encore tout à fait au point)
  • Se méfier du conflit d'intérêt induit par les recommandations des spécialistes commercialisant leur propre test par leur société.

La maladie de Lyme chronique, une autre grande simulatrice

  • Les formes psychiatriques trompeuses de la maladie de Lyme chronique peuvent entraîner des hospitalisations avec un diagnostic erronné
    • Paralysies organiques considérées comme des conversions hystériques historiques
    • Encéphalite borrélienne ou par des coinfections transmises par les tiques
      • dépression, dépression réactionnelle liée au rejet par l'entourage et les médecins de troubles qualifiés de factices, suicide
      • troubles psychotiques (des cas de schizophrénie ont été améliorés après traitement antibiotique dans 3 études japonnaises)
  • Devant une suspicion de maladie de Lyme chronique, rechercher des signes objectifs de phase tertiaire : baisse des lymphocytes sanguins, anomalies du LCR, tests neuro cognitifs (manque de concentration), troubles orthophoniques objectifs, IRM cérébrale et médullaire, tomographie en positons (PET-SCAN), SPECT-SCAN, mesure du débit cérébral, potentiels évoqués.

Le point sur les traitements prolongés de la maladie de Lyme chronique

  • Les molécules disponibles
    • Le traitement de la maladie de Lyme chronique fait appel aux antibiotiques classiquement recommandés (doxycycline, amoxicilline, azithromycine) mais un effet favorable a été noté pour d'autres anti-infectieux : métronidazole, tinidazole, hydroxychloroquine, fluconazole, dapsone, hydroxy-chloroquine (PLAQUENIL®)...
    • Concernant le PLAQUENIL®, il est possible qu'il agisse bien davantage par son effet anti-infectieux puissant que par un effet anti-inflammatoire ou immuno-modulateur. Le PLAQUENIL® est également actif sur des bactéries intracellulaires (fièvre Q), sur Babesia et in vitro sur les mycobactéries (BK).
      • La prescription est hors AMM donc prudente (1/2 cp/jour au début, contrôle ophtalmo de départ).
      • Une exacerbation temporaire des symptômes est possible (réaction d'Herxheimer). Le PLAQUENIL® se concentre 1500 fois dans le cerveau.
  • Les études d'efficacité
    • Des études montrent l'efficacité des traitements prolongés ( = au delà de 3 semaines)
      • 80% d'amélioration ou de guérison dans des études ouvertes de 3 mois
      • Amélioration de la fatigue à 4 semaines et de la mémoire à 10 semaines (la courbe rejoint ensuite celle du placebo) dans 2 études randomisées contre placebo pour des traitements de 4 à 10 semaines au delà des 3 semaines initiales
      • Critique : quel serait le bénéfice sur un traitement encore plus prolongé ? la courbe rejoindrait-elle celle du placebo ?
    • Deux études parues dans le N Eng J Med randomisées ne montrent pas d'amélioration. Toutefois elles souffrent de graves problèmes méthodologiques (les études comportent jusqu'à 40% de patients séronégatifs, sont arrêtées à 3 mois, et surtout les critères de jugement retenus sont différents à J0 et au cours de l'évolution)

A retenir

    • Les symptômes persistent chez l'homme après une antibiothérapie de 3 semaines dans 16 à 62% des cas
    • Chez l'homme, la persistance de borrélia est détectée après une antibiothérapie courte. La Borrelia est retrouvée dans le sang (PCR) chez 40% des patients en rechute après un Tt de 3 semaines (la recherche de Borrelia en PCR sur biopsie de tissu cérébral est beaucoup plus sensible)
    • Chez l'animal, les borrélioses peuvent persister même après plusieurs mois d'antibiothérapie.
    • En l'absence de traitement il est probable que dans certains cas la Borrélia peut persister indéfiniment dans l'organisme.

Perspectives

Suivant la loi fédérale de 2016, les CDC américains ont le 1er décembre 2017 retiré et déclaré obsolètes les recommandations de 2006 faites par l'IDSA (qui faisait obstacle à la reconnaissance de la maladie de Lyme chronique.Ces recommandations avaient été adoptées en France par la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) et ont encore été récemment à la base de condamnations honteuses de laboratoires et de médecins par les tribunaux et la sécurité sociale toujours en pleine chasse aux sorcières.
En août 2017, l'Europe a reconnu officiellement la maladie de Lyme comme faisant partie des 30 maladies menaçant le plus la santé publique.
En 2018, seules les recommandations de l'ILADS sont reconnues : La persistance microbiologique des Borrelia y compris après traitement antibiotique a été démontrée par de nombreuses études. Couplée à la persistance de symptômes, elle est en faveur de l'existence de la maladie de Lyme chronique et pourrait déboucher sur la remise en cause de l'interdiction française officielle de prolonger les traitements de la maladie de Lyme au delà de 3 semaines.

Pour en savoir plus :

Bibliographie

Editions Odile Jacob, Janv 2017: La vérité sur la maladie de Lyme par le Pr Christian Perronne

Fédération Française contre les maladies vectorielles à tiques (FFMVT)
Possibilité d'adhésion directe au collège de médecins et de chercheurs (association) pour les médecins et les chercheurs

Laboratoire BIOmedica du centre hospitalier de Lannemezan 283 rue Pasteur 65300-LANNEMEZAN
05 62 50 10 10 - biomedica65@orange.fr
2 tubes EDTA standards à envoyer en début de semaine par chronopost > PCR sur un "package" de 20 bactéries (non remb) 180 euros pour detection 20 bacteries

Laboratoire DiagNucleis ÉPIDÉMIOLOGIE LYME
3 route des pierres blanches 69290 Grezieu la Varenne
Michel Franck Pr de médecine vétérinaire (Lyon)

Mis en ligne sur le site www.appd.fr par Jean-Luc Varlet